Questions sur l'intelligence
Sommes-nous capables de la définir?Pouvons-nous, en oubliant un instant les tests, les sciences dures et et les sciences de consolation nous demander ce qui unit des facultés si diverses que résoudre un problème, planifier un voyage, comprendre les sous-entendus d'autrui, faire le bon geste au bon moment - le tout sans donner nécessairement la prééminence au modèle abstraction/résolution/acquisition de connaissances? Oui, c'est possible, à condition d'appeler les philosophes à la rescousse. Etrangement, et pour une fois, ils s'accordent pour refuser une définition trop étroite de l'intelligence. Même s'ils ont élevé la raison au rang des facultés reines, même si Platon ou Descartes ont privilégié le modèle des mathématiques, ils ne se sont jamais résolus à faire de l'intelligence une réalité quantifiable et unidimensionnelle. Au lieu de l'isoler pour en faire la marque des prétendus hommes supérieurs, ils ont montré que l'intelligence véritable était toute imprégnée de sensibilité, de finesse, d'action et même de morale. En effet, on ne peut pas séparer l'homme et le monde et demeurer au sens primitif d'intelligence : "comprendre". André Gide résume cette idée dans son Journal : "Il n'y a pas d'intelligence; on a l'intelligence de ceci, de cela." Reformulons : toute intelligence est intelligence de quelque chose - non pas un instrument neutre, mais un mode de rapport aux choses plus délicat, plus subtil, plus complexe que les lourds tests qu'on prétend lui appliquer. Elle n'est pas un muscle qu'on évalue et qu'on entraîne, mais le nom de la curiosité qui nous anime. Finalement, elle n'est pas intimidante.
M.Ettchaninoff. - Extrait du dossier Qu'est-ce que l'intelligence? - Philosophie magazine sept.2014